Comment la psychologie énergétique retraite t-elle les traumas ?

 
(Publication : 27 avril 2020)

Les croyances fondamentales et les modèles mentaux formés lors de moments émotionnels forts pendant ou après l’enfance « sont figés dans le cerveau par des synapses incroyablement durables » qui subsistent normalement pendant le reste de la vie d’une personne. Les recherches menées en neurosciences depuis 2004 ont cependant montré qu’il était possible – en donnant lieu à une certaine suite d’expériences – d’activer des apprentissages émotionnels précis et de déverrouiller chimiquement leurs synapses « pour une dissolution rapide de ces apprentissages à leur racine émotionnelle et neuronale ». C’est justement ce que permettent les protocoles de la psychologie énergétiques comme nous l’explique ici David Feinstein, Ph.D..

Le processus de « dépotentiation » :

À travers ce processus de « dépotentiation » (désactivation au niveau synaptique) des voies neuronales contenant les apprentissages émotionnels à la base des problèmes psychologiques, des symptômes graves et persistants peuvent disparaître parce que leur base même a été supprimée. Lorsque les synapses sont temporairement déverrouillées sous l’ensemble précis de conditions décrites dans cet article, les voies neuronales maintenant les vieux apprentissages émotionnels en place peuvent être modifiées ou totalement éradiquées.

La clé se situe dans la manière qu’a le cerveau de consolider les expériences émotionnellement chargées (les traduisant en termes mnémoniques) et de pouvoir ensuite, lorsqu’elles sont rappelées, les reconsolider (réintégrer des souvenirs retirés de la mémoire dans le système mnémonique d’une manière qui maintienne ou modifie ces souvenirs). Les expériences sont consolidées dans la mémoire de travail en quelques secondes, puis dans la mémoire à court terme en quelques minutes ou quelques heures par la synthèse de protéines formant des voies synaptiques entre les neurones (la « consolidation synaptique »), un processus dans lequel l’hippocampe sert d’intermédiaire. Avec le temps, ils sont encore consolidés avec d’autres souvenirs (la « consolidation des systèmes »), un processus qui implique le néocortex (Roediger, Dudai et Fitzpatrick, 2007).

 

Les deux types de souvenirs

Les souvenirs sont formés par des systèmes mnémoniques répartis en deux couches fondamentales : les souvenirs implicites et les souvenirs explicites. Les souvenirs implicites n’impliquent pas de rappel conscient de l’évènement. Ils sont plutôt encodés comme des apprentissages comportementaux, des réactions émotionnelles, des perceptions du monde extérieur et des sensations physiques, ainsi que « des généralisations de plusieurs expériences, des résumés de moments vécus en schémas ou modèles mentaux des évènements » (Siegel, 2010).

Si les souvenirs implicites ne ramènent pas les expériences précédentes dans la mémoire consciente, ils peuvent en revanche impacter l’expérience présente d’une personne sans que celle-ci ne s’en rende compte. Cela peut être utile ; de fait, le système mnémonique implicite joue un rôle primaire dans notre fonctionnement quotidien, qu’il s’agisse de s’orienter dans une séquence de choix répétitifs sans avoir besoin de chercher une nouvelle solution à chaque choix ou de processus routiniers comme le fait de nouer ses lacets ou de conduire une voiture. Ce sont des choses que nous effectuons sans penser aux étapes qu’elles impliquent ni au moment où nous les avons appris. Nous les faisons, tout simplement, et notre esprit reste libre de vaquer à d’autres considérations.

Les souvenirs explicites impliquent le fait de se rappeler consciemment de faits et d’évènements. D’abord encodés dans l’hippocampe, les souvenirs que nous gardons de nos expériences sont ensuite intégrés à la mémoire autobiographique au niveau du néocortex. Contrairement aux apprentissages émotionnels ou procéduraux qui sont stockés dans le système limbique sous cortical et l’hémisphère cortical droit, la mémoire explicite est plus flexible. Elle nous offre l’échafaudage de faits qu’est notre compréhension du monde, en plus de tisser en un ensemble des regroupements de pièces de notre puzzle autobiographique.

Autrement dit, la mémoire implicite nous fournit les pièces du puzzle et la mémoire explicite les assemble en images d’ensemble plus complètes. (Siegel, 2010).

En revanche, lorsqu’un souvenir est basé sur un traumatisme ou une autre expérience pénible, il se peut que cette intégration des systèmes mnémoniques implicite et explicite n’ait pas lieu. Ecker et al. (2012) expliquent que les souvenirs implicites d’évènements à forte charge émotionnelle peuvent en fait « sous-tendre et générer » une grande partie des symptômes que présentent les patients en psychothérapie, dont des symptômes souvent attribués à des facteurs génétiques ou autres, tels que la dépression. Ils avancent que le système mnémonique implicite génère des modèles mentaux cohérents qui « sont profondément chargés de sens vis-à-vis d’expériences concrètement vécues et sont complètement adaptatifs dans leur manière d’incarner les efforts faits par l’individu pour éviter la souffrance et assurer son bien-être ».

Selon eux, il vaut mieux comprendre les symptômes en termes de modèles mentaux reflétant « des efforts adaptatifs et cohérents » émergeant du passé plutôt que dans les termes “pathologisants” qui sont employé dans une grande partie des documents cliniques. Cependant, quand ces modèles s’imposent dans des circonstances nouvelles, ils sont souvent handicapants et nocifs, et ils sont à ce titre susceptibles de devenir la cause de toute une gamme de difficultés psychologiques.

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Le coût des souvenirs non-traités

Les souvenirs corporels et les apprentissages implicites peuvent influencer nos perceptions, nos pensées et nos comportements de telle manière qu’ils provoquent l’apparition de symptômes psychologiques ou entravent d’une autre manière la capacité de l’individu à réussir, et ils ont tendance à être persistants.

Au demeurant, si l’expérience qui a généré le souvenir implicite est couplée à une expérience qui s’oppose aux principaux modèles mentaux de la personne, ce conflit pourrait devenir conscient sur la forme d’une rumination, de mises en scènes imaginaires de ce qui aurait pu être fait différemment ou de rêves.

Le sommeil et le rêve font partie des moyens qu’a le cerveau pour tenter de réconcilier les souvenirs implicites et les expériences qui les remettent en question (Walker et Van Der Helm, 2009).

Les activités mentales conscientes et inconscientes convergent pour comprendre le sens des expériences perturbantes, pour les mettre en perspective avec les précédentes expériences du même genre et pour tenter de trouver des enseignements à utiliser dans le cas où une situation de ce genre se présenterait à nouveau. Cependant, certaines expériences sont trop fortes pour que la personne puisse les intégrer aux réseaux neuronaux existants et sont donc consolidées dans le système mnémonique implicite sans être intégrées par la suite dans le néocortex.

Les expériences traumatiques peuvent même être enregistrées sous forme de fragments – des sensations, des perceptions, des émotions, des pensées et des impulsions, comme l’envie de fuir la situation – qui peuvent ré-émerger et impacter les perceptions et les comportements de la personne longtemps après l’évènement, sans qu’elle ne reconnaisse consciemment leur origine.

Le TSPT, qui découle de traumatismes graves, a été le sujet de la plus grande attention, mais beaucoup d’expériences typiques de l’enfance ou d’une époque ultérieure de la vie – que ce soit les humiliations, les trahisons, la honte, les critiques, le deuil ou une menace grave – peuvent aussi créer des souvenirs et des apprentissages implicites qui se réactivent plus tard et ont l’ascendant sur le processus de gestion des informations.

Plutôt que d’être stockés sous forme fragmentée comme c’est le cas avec le TSPT, ces souvenirs ont tendance à être codés dans le système mnémonique implicite en tant que schèmes isolés mais cohérents visant à éviter la souffrance et à s’adapter aux situations difficiles. Du fait qu’ils ont été créés pour faire face à des circonstances qui, en général, ne se reproduisent plus, ils peuvent causer des pensées, des perceptions et des comportements automatiques et limitatifs. Ces apprentissages émotionnels implicites bruts finissent par s’emmêler et se confondre avec l’expérience présente, provoquant alors des réactions qui sont liées au passé de manière invisible et empêchent d’obtenir les résultats voulus dans le présent.

La majorité des personnes – y compris celles qui réussissent relativement bien – ont de nombreux souvenirs implicites qui impactent de manière limitative leur comportement. Si un enseignant aux sourcils broussailleux avait un comportement sexuellement provoquant envers vous, vous pourriez observer en vous un réflexe de repli face aux hommes aux sourcils broussailleux. Les aspects sensoriels de l’expérience d’origine – les odeurs, les sons, les goûts, les sensations sur la peau ou les images comme celle des sourcils broussailleux – peuvent devenir des déclencheurs évoquant une émotion ou une réaction corporelle ancienne qui vous font projeter cette expérience dans votre situation actuelle.

Le timbre de voix, les gestes ou l’expression faciale d’une autre personne peuvent vous faire transférer vos émotions et vos réactions d’antan sur ce qui est en train de vous arriver. Le retraitement de souvenirs bruts par la reconsolidation est une voie de sortie de ces scénarii difficiles qui nous maintiennent souvent dans l’échec.

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Comment le cerveau met-il à jour les apprentissages émotionnels ?

Malgré la ténacité de ces apprentissages émotionnels profonds, la nature a mis en place des mécanismes permettant de « mettre à jour les apprentissages existants à l’aide de nouveaux apprentissages » (Ecker et al., 2012). Pendant une brève période après qu’un souvenir émotionnel ait été conscientisé – en réaction à des instructions, des déclencheurs, des contextes ou des suggestions – la mémoire peut être reconsolidée sous une nouvelle forme.

Si, pendant cette « fenêtre de reconsolidation » qui peut durer plusieurs heures, une seconde expérience intense est introduite et diffère fortement de « ce que le souvenir cible réactivé prévoit et attend du fonctionnement des choses », l’apprentissage d’origine peut être revu ou entièrement supprimé. Le vieil apprentissage est remplacé par une nouvelle expérience qui a d’abord remis en question puis « réfuté » les croyances, modèles et interprétations obsolètes.

Cette nouvelle expérience incompatible produit une incohérence neuronale qui « déverrouille » chimiquement les synapses du souvenir précédent et « rend ses circuits labiles », c’est-à-dire susceptibles d’être changés par « une nouvelle expérience d’apprentissage qui contredit (pour supprimer) ou complète (pour modifier) le savoir cible labile ». Pour que les synapses se « déverrouillent », l’expérience qui a valeur de réfutation doit avoir lieu pendant que l’apprentissage d’origine est encore réactivé. 

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Pour que la mémoire soit reconsolidée d’une manière nouvelle, la même expérience-réfutation doit être répétée ou une autre expérience réfutant le modèle mental fondé sur le souvenir d’origine doit avoir lieu pendant la période de reconsolidation. Ce processus, qui a d’abord été mis en évidence chez certains animaux puis chez l’humain, peut changer « les apprentissages tirés d’émotions intenses » rapidement et durablement.

Des apprentissages étaient considérés jusque là comme indélébiles par les psychologues et les neurologues, à tel point qu’il leur semblait qu’une fois qu’ils étaient formés « le cerveau jetait la clé » qui y donne accès (Ecker et al., 2012). Nous en savons maintenant bien plus sur les clés dont le cerveau a besoin pour déverrouiller les synapses qui conservent la mémoire émotionnelle.

Ecker et al. (2012) ont résumé les implications cliniques de cette évolution : « Avec une connaissance claire des règles propres du cerveau pour la suppression d’apprentissages émotionnels par la reconsolidation mnémonique, les thérapeutes n’ont plus besoin de s’appuyer sur une théorie principalement spéculative, l’intuition et la chance pour permettre des changements puissants qui libèrent le patient ».

En comprenant le processus de reconsolidation des souvenirs, les cliniciens sont devenus capables de transformer les croyances fondamentales et les modèles mentaux formés à la suite d’expériences passées.

La résolution thérapeutique des souvenirs bruts

Un siècle durant, la psychothérapie s’est consacrée à la libération des patients de leurs vieux schémas dysfonctionnels ancrés dans le passé pour leur permettre d’accomplir un potentiel qui serait autrement resté hors de leur portée. Les méthodes permettant de surmonter des limitations remontant à l’enfance ont été inventées par la thérapie psychodynamique et perfectionnées par la thérapie comportementale et cognitive. De nouvelles « power thérapies » apportent des éléments thérapeutiques complémentaires qui semblent accélérer et améliorer le processus de suppression des vieilles habitudes et des réflexes conditionnés ainsi que le processus de mise en place de nouvelles habitudes et de nouveaux réflexes (Commons, 2000).

Ces « power thérapies » – dont les défenseurs disent qu’elles suppriment avec une efficacité inhabituelle les vieilles habitudes de pensée, les émotions anciennes et les comportements associés pour les remplacer – ont toutes en commun l’usage d’interventions somatiques. Parallèlement à la psychologie énergétique, on compte parmi les plus éminentes thérapies ayant recours à des interventions somatiques : la désensibilisation et reprogrammation par des mouvements oculaires (EMDR – voir Shapiro, 2001), la gestalt-thérapie (Polster et Polster, 1973), le Hakomi (Kurtz, 2007), la psychothérapie sensorimotrice (Ogden, Kekuni et Pain, 2006) et l’expérience somatique (Levine, 2010).

En présentant les premiers protocoles de psychologie énergétique, Callahan (1985) formulait un ensemble de procédures qui était remarquablement cohérent par rapport aux découvertes faites vingt ans plus tard sur la reconsolidation mnémonique. Eckert et ses collègues ont décrit en 2012 la suite d’expériences nécessaires dans toute forme de thérapie pour provoquer systématiquement le processus de reconsolidation afin de transformer un apprentissage émotionnel cible :

  1. activer intensément les souvenirs ou les apprentissages émotionnels responsables des symptômes ;
  2. provoquer simultanément une expérience qui réfute les modèles ou les conclusions implicites tirés des expériences d’origine – c’est ce qu’Eckert et son équipe appellent une « expérience de juxtaposition » ; et
  3. vérifier que le changement s’est produit.

Pendant ces étapes, les souvenirs et les apprentissages implicites entrent dans le système mnémonique explicite, qui passe par le néocortex, et intègrent des voies neuronales qui soutiennent les stratégies de gestion acquises. Leurs fonctions adaptatives passées sont alors examinées et évaluées et leur influence automatique et non reconnue sur les perceptions, les pensées et les comportements du patient est éliminée. C’est ainsi que les souvenirs et les apprentissages émotionnels implicites bruts sont « transformés ».

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Dans un protocole typique de psychologie énergétique, les premières séries de stimulation d’acupoints impliquent le plus souvent l’activation des symptômes ou du problème à régler et des apprentissages émotionnels sous-jacents par l’exposition imaginaire. Le patient active le problème en utilisant des images, des phrases évocatrices, ou une sensation liée au problème. Une fois que la stimulation des points a rendu la souffrance liée au problème moins aigue, les souvenirs d’enfance qui sont en jeu émergent souvent d’eux-mêmes et, alors que l’attention est portée sur eux, leur fonction adaptative historique devient facilement discernable. Des techniques servant à retrouver des souvenirs anciens, comme celle qui consiste à retracer une émotion actuelle jusqu’à l’une de ses première occurrences, sont aussi susceptibles d’être employées.

Le deuxième ensemble de séries de stimulation d’acupoints – visant à provoquer une expérience qui réfute les apprentissages précédents – est l’étape la plus complexe dans la majorité des thérapies axées sur la consolidation, mais c’est aussi là que les protocoles de psychologie énergétique montrent leurs plus grands atouts. Du fait que la stimulation d’acupoints choisis réduise quasi-instantanément l’activité limbique (voir Fang et al., 2009 ; Hui et al., 2005), le paysage émotionnel change pendant l’exposition.

Le souvenir traumatique ou le déclencheur qui avait produit une réaction d’alerte physiologique est vivement rappelé mais la réaction physiologique dérangeante ne se produit plus. Le cerveau subit une incohérence. Le souvenir ou le déclencheur ayant déclenché une attente forte, le patient s’attendait à voir les apprentissages émotionnels implicites s’activer, mais la réponse émotionnelle attendue ne peut pas se produire parce que la stimulation d’acupoints a temporairement désactivé le système limbique. La juxtaposition du maintien à l’esprit de la scène dérangeante et de l’absence de réaction physiologique simultanée représente l’incohérence qui est l’ingrédient nécessaire pour que la scène qui a été activée mentalement soit reconsolidée sous une forme nouvelle.

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